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La mythologie inuit a devancé le XXe siècle |
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Il est des peuples qui n'ont jamais imaginé que le loup puisse être méchant, ni même nuisible. Les Esquimaux parlent du loup avec admiration et gratitude depuis des milliers d'années. Chez nous, il fallut attendre la seconde moitié du XXe siècle avant que ne soit remise en question la véracité des innombrables récits qui ont fait trembler linconscient humain. Jusquau jour où les témoignages de lhistoire furent confrontés aux découvertes des zoologistes. Pourtant, comme souvent, ce savoir scientifique existait déjà, sous la forme des mythes, chez les Inuit. Lun deux parle du rôle du loup dans la nature, décologie, déquilibre naturel et dinterdépendance prédateur-proie
Autant de concepts que nous découvrirons bien plus tard par lintermédiaire de la science, faute d'avoir su écouter les sages venus d'ailleurs. |
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Le loup : cadeau du ciel - Sur les traces de la légende |
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Le loup : cadeau du ciel |
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Cest Farley Mowat, dans son roman « Mes amis les loups », publié en 1963, qui ramènera la légende esquimaude sur la naissance des loups. Celui-ci raconte sa véritable aventure dans le Grand Nord canadien. Au travers de la vie quotidienne des loups, par ses convictions profondes sur leur intelligence et leur sociabilité, étayées par ses observations scientifiques, le biologiste nous fait douter de la nature humaine - pour peu quil y en ait une ! - et nous invite à remettre en question toute notre mentalité occidentale.A cette époque, le loup était considéré comme une bête extrêmement dangereuse pour lhomme, parce que sanguinaire et dotée darmes redoutables. Cest donc la peur au ventre que Farley Mowat débarque sur son territoire, mandaté à la sortie de ses études par le gouvernement canadien pour prouver précisément que le loup est un animal "assoiffé de sang et insatiable, responsable de la disparition progressive des caribous dans les toundras". Cest dans cette intention que, pétri de toute lignorance de lépoque sur le sujet, il part mener à bien la mission « Canis Lupus ». |
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A en croire les légendes esquimaudes, le loup serait un cadeau du ciel venu assurer la présence constante de caribous et garantir leur bon état de santé. Ce qui est une croyance ancestrale chez les Esquimaux est, en Europe, une découverte scientifique encore mal assimilée. Photo: www.allposters.com |
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Ses premières rencontres, quoique marquées par la méfiance, lont mené à la merci du loup. Il fut le premier surpris du chaleureux accueil quil reçut : « Inutile de discuter, je venais de réaliser que la conception du caractère des loups, telle quelle était enracinée dans mon esprit conditionné et universellement acceptée par les humains, nétait quun mensonge éhonté, ou, tout au moins, une élaboration très fantaisiste. » (MOWAT, 1974, 89). Plus tard, Mowat ira même jusquà planter sa tente à quelques pas de leur tanière.
La plupart des premières découvertes qui découleront de cette cohabitation se verront confirmées par la rencontre de Ootek, un Esquimau, dont le totem, l « esprit bénéfique », nest autre que Amarok, le loup, auquel il sintéresse tout particulièrement. Cest donc lui qui nous raconte la conception esquimaude de lorigine du loup :
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Kaïla, qui est le Dieu du ciel, dit à la Femme que le caribou était le plus grand cadeau quelle lui faisait, parce que le caribou servirait à faire vivre lHomme. Rapidement, le pays fut rempli de caribous de sorte que les Fils de la Femme chassèrent bien, furent bien nourris et vêtus et quils eurent de bonnes tentes de peaux pour y vivre, tout cela grâce au caribou. Les Fils de la Femme ne chassèrent que les caribous gros et gras, car ils ne souhaitaient pas tuer les faibles, les petits et les malades, parce quils nétaient pas bons à manger et que leurs peaux nétaient pas bonnes. Il y eut de plus en plus de caribous faibles et malades et de moins en moins de caribous gros et gras. Alors, la Femme parla à Kaïla qui, elle-même, parla à Amarok, lesprit du loup qui, à son tour, parla à ses enfants. Et ceux-ci mangèrent les caribous faibles et malades afin que le pays soit réservé aux caribous gros et gras. Cest pourquoi le caribou et le loup sont un, car « le caribou nourrit le loup, mais cest le loup qui maintient le caribou en bonne santé ». (MOWAT, 1974, 140).
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Difficile pour l'homme occidental d''écouter un Esquimau analphabète professer des théories qui relèvent de la sélection naturelle des espèces. Et pourtant... Ph.: www.ac-amiens.fr |
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Sur les traces de la légende, l'indignation
Sans doute serons-nous assez étonnés par cette histoire car nous ne sommes pas préparés à écouter un Esquimau illettré nous donner une leçon, même sous forme de parabole, illustrant la théorie de la survivance des plus aptes par le fonctionnement de la sélection naturelle. Pourtant, cette théorie sera à chaque fois vérifiée par lexpérience, que ce soit en observant les techniques de chasse de lanimal ou en étudiant linfluence de la présence du loup sur ses proies. Cela doit être observé en détail mais on peut dores et déjà dire que si le loup a vécu des milliers dannées avec les cervidés, cest quil est un prédateur, certes, mais un prédateur sélectif, ne frappant que les animaux faibles, malades ou vieillis, jouant ainsi un rôle indispensable de stabilisateur.
Sil ny avait plus de loups, il ny aurait plus non plus de caribous car ils mourraient des maladies qui se répandraient parmi eux. Le loup est en quelque sorte un agent sanitaire de la nature. Bien que celui-ci ait mangé des caribous durant quelque dix mille années sans décimer les troupeaux et ne puisse donc être tenu pour responsable de la disparition des caribous dans le Grand Nord, lénigme sur celle-ci reste en suspens. Enigme que Farley Mowat naura que très peu de mal à résoudre.
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Il raconte alors comment la chasse au loup est menée par les trappeurs parallèlement à la chasse aux caribous. Les trappeurs ne peuvent souffrir les loups, car, en plus de leur faire concurrence dans la chasse aux caribous, ils déclenchent les pièges destinés aux renards sans toutefois se faire prendre eux-mêmes, rendant complètement inefficace le piégeage. De plus, pour la plupart, les trappeurs blancs ont peur du loup. « Quelques-uns en ont même une peur mortelle et il ny a rien de tel que laiguillon de la peur pour jeter les hommes dans une furie de violence et de destruction. La guerre contre les loups est menée à boulets rouges par les gouvernements provinciaux et fédéral. La plupart dentre eux offrent des primes allant de dix à trente dollars par loup abattu. Aux époques où les cours des peaux de renards et dautres fourrures sont bas, ces primes deviennent un véritable subside payé aux trappeurs et aux commerçants. » (MOWAT, 1974, 258). Par ailleurs, les caribous continuent à être tués pour leur peau, voire massacrés dans des safaris parfaitement organisés pour les plus riches et les moins scrupuleux par le bureau de tourisme de la région. Emmenés en hélicoptère ou en avion, les chasseurs mitraillent les troupeaux den haut puis ramassent les trophées en bon état parmi les décombres. Attribué au loup, ce massacre contribuera, par ailleurs, à légitimer celui du loup. |
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L'Esquimau aime le loup et le caribou. Ils dépendent tous trois les uns des autres. Ph.: www.ac-amiens.fr |
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Mowat ne recevra jamais de réponse à son rapport. A moins que laugmentation manifeste des primes accordées dans les années qui suivirent (années 60) puisse être considérée comme une réponse. Malgré tout et heureusement, il ne put garder son indignation pour lui-même. |
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